"Gaulois, mais Romains", l’expo qui tord le cou aux clichés à Nîmes
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Laie de Cahors, en bronze, mise au jour en 1872. Statue qui provient de Divona Cadurcorum, capitale des Cadurques. Une ville antique qui atteignait près de 200 hectares à son apogée.
© MAN — Valorie Gô
Le Musée de la Romanité dévoile, du 29 mai au 4 janvier, une exposition inédite conçue avec le Musée d’Archéologie nationale de Saint-Germain-en-Laye. “Gaulois, mais Romains !” plonge au cœur de la rencontre entre deux civilisations. Le vernissage a eu lieu ce mardi 27 juin.
Souvent réduite à la caricature de guerriers sauvages à la barbe fournie et aux longs cheveux, l’image d’Épinal des Gaulois est ici profondément revisitée. L’exposition “Gaulois, mais Romains !” met en lumière la richesse d’une civilisation capable d’évoluer et de s’adapter après la conquête romaine, loin d’une opposition figée. À travers plus de 200 objets issus des prestigieuses collections du Musée d’Archéologie nationale – fondé par Napoléon III –, elle retrace une histoire de métissage culturel, où traditions gauloises et influences romaines s’entrelacent. L’ambition de l’événement ? Révéler une Gaule plurielle, où les élites locales et les gens du peuple adoptent les codes romains tout en perpétuant leurs propres traditions.
Reconstitution 3D de la villa de La Millière au Musée de la Romanité de Nîmes
“Le cadre chronologique de l’expo s’étend de la défaite d’Alésia, en 52 av. J.-C., jusqu’au IIIe siècle, explique Nicolas de Larquier, le conservateur en chef du Musée de la Romanité. L’idée est aussi de s’éloigner un peu de la Gaule narbonnaise romanisée très tôt et qui est vue par les Romains comme un prolongement de l’Italie pour partir à la découverte des Gaules lyonnaise, belge et aquitaine.”
Le parcours plonge par exemple le visiteur dans une reconstitution 3D spectaculaire de la villa de La Millière. Une villa découverte en 1964 à l’orée de la forêt de Rambouillet. “Le public découvre alors comment les Gallo-romains vivaient à la romaine dans la campagne du nord. Une voûte de la villa, décorée de fresques à l’effigie des personnifications des Saisons, sera présentée au public pour la première fois depuis son acquisition et sa restauration récente par le musée d’Archéologie nationale”, continue le conservateur nîmois.

Fragment de la fresque Les Quatre Saisons de la villa de La Millière. Ici l’Été. Une fresque datant du IIIe s. ap. J.-C.
© APPA CEPMR JF Lefèvre
Le panthéon des dieux hybrides à découvrir au Musée de la Romanité
Pertinente également, la section religieuse met en lumière un syncrétisme déroutant comme avec le dieu de Bouray, statue en bronze mi-gauloise mi-romaine, ou Apollon Moritasgus, version gallo-romaine du dieu guérisseur. Ce parcours montre que la romanisation n’était ni une colonisation, ni une adoption passive. Les élites gauloises ont choisi ce qui leur convenait : le droit romain, mais pas toujours la langue ; les thermes, sans renier leurs dieux.
“Cela illustre aussi la finesse de l’expansion romaine en Gaule, qui ne relève pas d’une acculturation imposée, mais bien d’un métissage culturel assumé”, termine Nicolas de Larquier.

Fragment sculpté (IIe-Ie s. av. J.-C.) représentant un homme au torque ouvragé, associé à un sanglier symbolique. Découvert dans une fosse à ossements, il évoque un héros ancêtre et le lien spirituel entre humains et animaux.
© Grand Palais Rmn (musée d’Archéologie nationale) Jean-Gilles Berizzi
De Napoléon III à Astérix
L’exposition n’oublie pas de questionner l’histoire de l’archéologie elle-même. Une salle reconstitue une classe de la IIIe République, où les manuels scolaires perpétuaient l’image d’une Gaule sauvage domptée par Rome. Une représentation fortement renforcée plus tard avec le plus irréductible des Gaulois, Astérix. Face à ces clichés, des écrans interactifs et des vitrines démontrent comment les découvertes récentes ont nuancé ce récit. L’occasion de comprendre aussi comment l’archéologie, sous influence politique, a parfois forgé des stéréotypes tenaces.